La déclaration doctrinale « Dignitas Infinita » (« Une infinie dignité », en latin ), publiée le 8 avril 2024, par le Préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi, vient rappeler de manière forte les principes fondamentaux, inhérents à la vie. Ce document commémore le 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et réaffirme «le caractère incontournable du concept de dignité de la personne humaine au sein de l’anthropologie chrétienne».
Document de 24 pages, Dignitas infinita est le résultat d’un travail de cinq ans mené par les experts du dicastère pour la Doctrine de la foi.

 

Les 3 premières parties : principes fondamentaux et concept de “dignité”

Dans les trois premières parties, la Déclaration rappelle les principes fondamentaux et les présupposés théoriques afin d’offrir des clarifications importantes aidant à éviter les fréquentes confusions qui se produisent dans l’utilisation du concept « dignité ».

 

Les principes fondamentaux

«L’Église, à la lumière de la Révélation, réaffirme et confirme sans réserve» la «dignité ontologique de la personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu et rachetée dans le Christ Jésus». Une «dignité inaliénable» qui correspond «à la nature humaine indépendamment de tout changement culturel», qui est «un don reçu» et donc présente par exemple, dans «un enfant à naître», «une personne inconsciente», «une personne âgée à l’agonie».

«L’Église proclame l’égale dignité de tous les êtres humains, quelles que soient leur condition de vie et leurs qualités», et elle le fait sur la base de la révélation biblique : la femme et l’homme sont créés à l’image de Dieu ; le Christ incarné «a confirmé la dignité du corps et de l’âme» et en s’élevant, «nous a révélé que l’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu».

La dignité de toute personne

Le document souligne le malentendu que représente la position de ceux qui préfèrent le terme «dignité personnelle» à l’expression «dignité humaine», «car ils n’entendent par personne qu’un “être capable de raisonner”». En conséquence, ils affirment que «L’enfant à naître n’aurait donc pas de dignité personnelle, pas plus que la personne âgée non autonome ou les personnes souffrant d’un handicap mental. L’Église, au contraire, insiste sur le fait que la dignité de toute personne humaine, précisément parce qu’elle est intrinsèque, demeure en toutes circonstances».

En outre, lit-on dans la déclaration, «le concept de dignité humaine est aussi parfois utilisé abusivement pour justifier une multiplication arbitraire de nouveaux droits, […] comme si la capacité d’exprimer et de réaliser chaque préférence individuelle ou chaque désir subjectif devait être garantie».

La 4ème partie : Dénonciation de plusieurs violations à la dignité humaine

La quatrième partie analyse quelques situations problématiques actuelles dans lesquelles l’infinie et inaliénable dignité due à tout être humain n’est pas reconnue de manière adéquate.

Dénoncer ces violations graves et actuelles de la dignité humaine est un devoir, car l’Église est profondément convaincue que l’on ne peut séparer la foi de la défense de la dignité humaine, l’évangélisation de la promotion d’une vie digne et la spiritualité de l’engagement pour la dignité de tous les êtres humains.

De fait, cette dignité de tous les êtres humains peut être comprise comme « infinie » (dignitas infinita), comme l’a déclaré saint Jean-Paul II lors d’une rencontre avec des personnes souffrant de certaines limitations ou handicaps, afin de montrer comment cette valeur reconnue à tous va au-delà de toutes les apparences extérieures ou des caractéristiques de la vie concrète des personnes.

La liste des violations

La déclaration présente ensuite une liste de «quelques-unes des nombreuses et graves violations de la dignité humaine», à savoir tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré; mais aussi «tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques». Et enfin, «tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable». La peine de mort est également citée : elle «viole la dignité de tout être humain, inaliénable en toutes circonstances».

La principale nouveauté du document est l’inclusion de certains des thèmes clés du récent magistère papal aux côtés des thèmes de bioéthique. La guerre, le drame de la pauvreté et des migrations, le traitement des êtres humains, font partie de la liste non «exhaustive» des violations de la dignité humaine que le nouveau texte propose, au même titre que l’avortement, l’euthanasie et la gestation pour autrui.

Ce document contribue ainsi à dépasser la dichotomie existante entre ceux qui se concentrent exclusivement sur la défense de la vie de l’enfant ou du mourant, en niant toute autre atteinte à la dignité humaine, et, à l’inverse, ceux qui se concentrent exclusivement sur la défense des pauvres et des migrants, oubliant que la vie doit être défendue depuis la conception jusqu’à son terme naturel.

Pauvreté, guerre et traite des êtres humains

Il y a d’abord le «drame de la pauvreté», «l’une des plus grandes injustices du monde contemporain». Il y a ensuite la guerre, «une tragédie qui nie la dignité humaine» et qui «est toujours une “défaite de l’humanité”», au point qu’«il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”».

Le document poursuit avec le «travail des migrants», dont «la vie est mise en danger car ils n’ont plus les moyens de fonder une famille, de travailler ou de se nourrir».

Le texte s’attarde ensuite sur «la traite des personnes», qui prend des «dimensions tragiques» et qui est définie comme «une activité ignoble, une honte pour nos sociétés qui se disent civilisées», invitant «les exploiteurs et les clients» à un sérieux examen de conscience.

De même, il appelle à lutter contre des phénomènes tels que le «commerce d’organes et de tissus humains», l’«exploitation sexuelle d’enfants», le «travail d’esclave – y compris la prostitution», le «trafic de drogues et d’armes», le «terrorisme» et le «crime international organisé».

Il mentionne également l’«abus sexuel», qui laisse «de profondes cicatrices dans le cœur de celui qui le subit». Ce sont «des souffrances qui peuvent durer toute la vie et auxquelles aucun repentir ne peut porter remède». 

Il poursuit avec la discrimination des femmes et les violences à leur égard, citant parmi ces dernières «la contrainte à l’avortement, qui touche aussi bien la mère que l’enfant, si souvent pour satisfaire l’égoïsme des hommes» et «la pratique de la polygamie».

Il condamne le «féminicide».

Avortement et gestation pour autrui

La condamnation de l’avortement est ensuite claire : «parmi tous les crimes que l’homme peut accomplir contre la vie, l’avortement provoqué présente des caractéristiques qui le rendent particulièrement grave et condamnable» et il est rappelé que «la défense de la vie à naître est intimement liée à la défense de tous les droits humains».

Le non à la Gestation pour autrui, «par laquelle l’enfant, immensément digne, devient un simple objet», une pratique «qui lèse gravement la dignité de la femme et de l’enfant…, fondée sur l’exploitation d’une situation de nécessité matérielle de la mère», est également très fort. «Un enfant est toujours un cadeau et jamais l’objet d’un contrat». 

La liste mentionne l’euthanasie et le suicide assisté, définis de manière confuse par certaines lois comme «le droit de mourir dans la dignité», rappelant que «la souffrance ne fait pas perdre à la personne malade la dignité qui lui est propre de manière intrinsèque et inaliénable». 

Évoquant ensuite l’importance des soins palliatifs et le fait d’éviter «tout acharnement thérapeutique ou toute intervention disproportionnée», le texte réitère que «la vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée».

Les violations graves de la dignité humaine comprennent également le fait de considérer comme «rebuts» des personnes à mobilité réduite.

La théorie du genre

Après avoir réaffirmé qu’il faut éviter «toute marque de discrimination injuste et particulièrement toute forme d’agression et de violence» à l’égard des personnes homosexuelles, le texte qualifie de «contraire à la dignité humaine» le fait qu’en certains lieux des personnes «soient emprisonnées, torturées et même privées du bien de la vie uniquement en raison de leur orientation sexuelle». 

Le document critique la théorie du genre, «très dangereuse parce qu’elle efface les différences dans la prétention de rendre tous égaux». L’Église rappelle que «la vie humaine, dans toutes ses composantes, physiques et spirituelles, est un don de Dieu, qui doit être accueilli avec gratitude et mis au service du bien. Vouloir disposer de soi, comme le prescrit la théorie du genre … ne signifie rien d’autre que céder à la tentation séculaire de l’être humain se faisant Dieu». La théorie du genre «cherche à nier la plus grande différence possible entre les êtres vivants : la différence sexuelle». Par conséquent, «toutes les tentatives visant à masquer la référence à la différence sexuelle inéliminable entre l’homme et la femme doivent être rejetées».

Le jugement sur le changement de sexe est également négatif, car il «risque, en règle générale, de menacer la dignité unique qu’une personne a reçue dès le moment de la conception», même si «cela n’exclut pas la possibilité qu’une personne présentant des anomalies génitales qui sont déjà évidentes à la naissance ou qui se développent plus tard, choisisse de recevoir une assistance médicale afin de résoudre ces anomalies».

Violence numérique

La liste est complétée par la «violence numérique» et mentionne des «nouvelles formes de violence» qui «se répandent à travers les médias sociaux», comme le cyber harcèlement et la «diffusion de la pornographie et l’exploitation des personnes à des fins sexuelles ou par des jeux de hasard» sur internet.

La déclaration se termine en demandant «que le respect de la dignité de la personne humaine, en toutes circonstances, soit placé au centre de l’engagement pour le bien commun et de tout système juridique».

Lire cette déclaration dans son intégralité :