Au mois de mai, mois de Marie, suivant une tradition très ancienne, nous prions la Sainte Vierge, en récitant le « Je vous salue Marie », également connu sous le nom d’AVE MARIA en latin.

La prière du pauvre

Le « Je vous salue Marie » est une prière si simple. Aucune probablement, si l’on met à part le Notre Père, n’est aussi connue et répandue. C’est la prière des pauvres, dit-on souvent, et c’est probablement vrai. On l’appelle parfois la « Salutation Angélique », parce qu’elle commence par la salutation de l’ange à Marie. Et l’on perçoit bien, la façon de le réciter en chœurs alternés souvent le montre, qu’elle est composée de deux parties : salutations et bénédictions multipliées au début, puis supplications. Comme si le mouvement de la prière portait à contempler Marie d’abord, dans un mouvement de pur émerveillement, pour lui adresser ensuite humblement nos demandes, maintenant et à l’heure de notre mort.

Une telle prière est bien la prière des pauvres, dans une humilité sans détour, dans l’émerveillement comme dans la supplication.

D’où vient cette prière qui nous est si familière ?

Elle se divise en 2 parties d’origines bien distinctes :

  • La première partie est une louange.

“Je vous salue, Marie pleine de grâce;
le Seigneur est avec vous;
vous êtes bénie entre toutes les femmes;
et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.”

Elle est inspirée de deux passages de la Bible distincts, tirés de l’Évangile de Saint Luc.

La salutation de l’ange Gabriel lors de l’Annonciation (Luc I, 28) :

« Réjouis-toi Marie comblée de grâce, le Seigneur est avec toi ».

Elle correspond à la façon dont l’ange salue la Vierge, empreinte de respect et de confiance. Il lui annonce la naissance de Jésus, et Marie lui répond ce « oui » qui a changé la face du monde.

Nous reprenons cette salutation en nous réjouissant de la joie que Dieu a trouvée en Marie, de la grâce dont elle a été comblée, celle de la présence de Dieu qui est venu habiter en elle et qu’elle a pu donner au monde.
En méditant sur ces paroles, nous touchons du doigt le dogme de l’Immaculée Conception. La grâce place Marie totalement à l’abri du péché. En outre, les anciens aimaient mettre en valeur l’Ave latin, remarquant
avec justesse qu’il est l’exact contraire de Eva (nom latin d’Eve) : la malédiction du péché d’Eve serait ainsi inversée par cet Ave rempli de grâce.

Les paroles d’Elisabeth lors de la Visitation (Luc I, 42) : 

Bénie es-tu entre les femmes et béni le fruit de ton sein (ou de tes entrailles).

Comme Elisabeth, nous déclarons Marie bienheureuse, car par sa foi, elle est devenue notre Mère, la mère des croyants, et par son intermédiaire, nous pouvons tous recevoir Jésus. Dans la tradition biblique, bénir est plus encore qu’une parole, un acte par lequel celui qui bénit transmet la vie, le don de Dieu.

Bénie entre les femmes renvoie également à toutes les femmes qui ont été des combattantes pour la libération d’Israël, dont Esther et Judith. Mais cette formulation ne se termine pas encore par Jésus, qui n’apparaît que vers le XIIe siècle.

Le « fruit de ton sein », par opposition au fruit qu’ont mangé Eve et Adam dans le Livre de la Genèse (ch 3,6), c’est Jésus, le fruit voulu par Dieu pour l’humanité.

Marie devient ainsi la nouvelle Eve qui donne le fruit de l’Arbre de Vie tant attendu. Le terme « entrailles » repris dans de nombreuses traductions prend un sens encore plus profond, si on le rapproche du mot hébreu « Rehamim » dont il est tiré qui est tiré de la même racine que le mot « Miséricorde ».

Le rapprochement des deux textes

En rapprochant les paroles de l’Ange lors de l’Annonciation et celles d’Élisabeth lors de la Visitation, la tradition a formé « la salutation angélique », commune à l’Église d’Orient (depuis le IV° ou V° siècle), et d’Occident (à partir de saint Grégoire le grand †604), orthodoxe et catholique.

  • La deuxième partie est une supplication.

“Sainte Marie, Mère de Dieu
Priez pour nous, pauvres pêcheurs.
Maintenant, et à l’heure de notre mort. Amen.”

C’est un véritable cri poussé par les pêcheurs que nous sommes. On supplie la Mère de Dieu d’intercéder en notre faveur auprès du Dieu Tout-Puissant pour notre salut.
Elle ne tire pas ses origines des Écritures et apparaît plus tard que la première partie dans les prières des chrétiens. Cette seconde partie comporte de plus le titre de Théotokôs (« Mère de Dieu »), défini au IIIe concile œcuménique, le concile d’Éphèse, en 431. Les dits de cette seconde partie du « Je vous salue, Marie » sont les ultimes paroles prononcées sur son lit de mort par Saint Simon Stock, supérieur de l’Ordre du Carmel, en 1265 : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Amen. »

Un peu d'histoire

La partie consacrée à la louange de Marie est reprise très tôt dans la tradition chrétienne. Dès le IVe siècle, on trouve les phrases suivantes dans la liturgie de Saint Jacques : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie parmi les femmes et béni le fruit de ton sein car tu as engendré le Sauveur de nos âmes ».

La forme liturgique de la louange telle qu’on la connaît aujourd’hui est formulée au VIIIe siècle. On la retrouve dans les écrits de Saint Damascène. Dans les pays occidentaux, la partie de louange du Je vous salue Marie est officiellement introduite dans la liturgie latine par le pape Saint Grégoire 1er au VIe siècle. Elle ne se popularise cependant qu’à partir du XIe siècle sous le nom latin d’Ave Maria ; c’est à Paris que la salutation est prescrite pour la première fois en 1198 ; l’Évêque exhortant à la récitation de l’Ave Marie avec le Pater et le Credo.

La seconde partie du « Je vous salue Marie, » quant à elle, est plus récente et apparaît entre le XIIe et le XIVe siècle. L’âge d’or du protestantisme ne permet pas alors au culte de Marie de se développer, les protestants rejetant les prières à la Vierge Marie. Cependant, la Contre-réforme au XVIe siècle, mouvement catholique de réaction à la Réforme protestante, permet au « Je vous salue Marie » et au culte de Marie de connaître un succès retentissant.

Cette prière devient la prière la plus adressée à la Mère de Dieu. Elle est introduite en latin dans le bréviaire romain par le pape V en 1568 et n’arrive en français que bien plus tard. A partir du XIIIe siècle, plusieurs conciles en France, en Espagne, en Angleterre et en Germanie proposèrent cette prière au peuple chrétien. Elle faisait partie de celles que tout fidèle devait connaître. Les moines cisterciens et les religieux dominicains contribuèrent très activement à sa diffusion. Saint Bonaventure et Saint Thomas d’Aquin reprirent aussi cette prière dans leurs traités.

La prière dans sa formulation complète est finalement introduite dans le bréviaire romain en 1568 par le pape Pie V.

Alors, en ce mois de mai, nous vous proposons de « redécouvrir » la profondeur de cette prière en la méditant, phrase par phrase. Ainsi notre prière n’en sera que plus fervente.
Demandons à notre Mère du Ciel d’intercéder pour nous auprès de son divin Fils et du Père.