Instituée par le Pape Pie XI en 1925, la solennité du Christ Roi de l’Univers est célébrée le 34ème et dernier dimanche de l’année liturgique. Précédant l’entrée dans le temps de l’Avent et marquant la fin d’une année liturgique, cette fête nous invite ainsi à célébrer Celui qui, par-delà les ans, domine l’histoire depuis son commencement jusqu’à son achèvement en Dieu et à honorer la royauté spirituelle de Jésus-Christ (Jean 18, 36).

“Que ton règne vienne” ! disons-nous dans la prière du Notre-Père.

L’Église affirme aujourd’hui que c’est par le mystère pascal que le Christ instaure son règne, qui ne trouvera son véritable accomplissement qu’à la fin des temps, lorsque Jésus “remettra au Père toutes choses” (Préface de la messe).
Cette fête nous ouvre ainsi à une nouvelle dimension : la dimension eschatologique, celle de l’attente de l’établissement du règne du Christ, sur toute la création. En effet, depuis la résurrection, nous sommes dans “les temps qui sont les derniers” et dans l’attente du dernier avènement !

Alors, Jésus est bien un Roi ?

Oui, Jésus le reconnait volontiers. Dans l’évangile selon Saint Jean, dans le dialogue entre Pilate et Jésus, Jésus se présente comme Roi, mais son Royaume n’est pas d’ici-bas.

Un Roi pas comme les autres : éclairage d’une bibliste Marie-Noëlle Thabut

Ce que veut nous dire Jean, quand il nous rapporte l’interrogatoire de Jésus par Pilate, c’est que Jésus est le roi de l’humanité au moment même où il donne sa vie pour elle. Ce roi-là n’a pas d’autre ambition que le service. En fait d’interrogatoire, d’ailleurs, ce face à face entre le représentant de l’immense Empire Romain et un condamné à mort comme il y en avait des centaines devient un « dialogue » ; car c’est vraiment le monde à l’envers : tout au long de la Passion, Jean souligne comme à plaisir le renversement de la situation ; ici, c’est le pouvoir romain qui va reconnaître que le véritable roi c’est Jésus-Christ : quand Pilate dit à Jésus « Alors, tu es roi ? », Jésus répond « C’est toi qui dis que je suis roi » dans le sens « tu as tout compris, tu le dis toi-même ».

Mais ce royaume n’a rien à voir avec nos royaumes de la terre, défendus par des gardes : « Si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs ».
Son royaume, c’est celui de la vérité : pas d’autre défense que la vérité. « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. […] »
Dans la deuxième lecture de ce dimanche, tirée de l’Apocalypse, nous avons entendu Jean dire que Jésus est le « témoin fidèle ». Il est le « Fils unique plein de grâce et de vérité » que nous annonçait déjà le Prologue de son évangile.
Pilate qui vit dans le monde gréco-romain ne peut que poser la question « Qu’est-ce que la vérité ? »
Le mot « vérité » au sens biblique veut dire « fidélité solide » de Dieu ; en hébreu, il est de la même racine que le mot « AMEN » qui signifie ferme, stable, fidèle, vrai.
Précisément parce que la Vérité est une Personne, Dieu lui-même, personne ne peut prétendre détenir la vérité ! On appartient à la vérité, elle ne nous appartient pas ; […]. La seule chose importante est d’écouter et de se laisser instruire par elle.

« Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » affirme Jésus à Pilate, tout comme il avait dit plus tôt aux Juifs : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; et c’est parce que vous n’êtes pas de Dieu que vous ne m’écoutez pas. » (Jn 8,47). […]

Pilate est resté avec sa question et, visiblement, il a manqué sa chance de découvrir Dieu : il raisonne sur la vérité au lieu de s’abandonner à elle et de croire tout simplement. Tout l’évangile de Jean décrit le dilemme qui se pose à tout homme « croire ou ne pas croire ». Marthe de Béthanie a fait le bon choix, celui de l’humilité et de la confiance : « Je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, Celui qui devait venir en ce monde ». Pourquoi Marthe, la femme obscure de Judée, a-t-elle accès à cette vérité, elle ? Et pourquoi pas Pilate ? […] Que lui manque-t-il donc à Pilate ?
Peut-être d’accepter de ne pas chercher à détenir la vérité, mais d’être pris par elle, de lui appartenir. Apparemment, c’est la seule chose qui nous est demandée pour participer à la royauté du Christ : « Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux ! » Autrement dit, ce sont les pauvres de cœur qui sont les vrais rois, à commencer par Jésus lui-même.

Une royauté éternelle et universelle

En cette fête, la liturgie nous donne de contempler Jésus Christ, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre, le Souverain de l’univers, comme le proclame le visionnaire de l’Apocalypse.
La Préface consacre le Fils unique comme « Prêtre éternel » et « Roi de l’univers ».
Elle met en lien la royauté de Jésus dans sa dimension eschatologique avec le mystère de la croix :

« Tu as consacré Prêtre éternel et Roi de l’univers ton Fils unique, Jésus Christ, notre Seigneur, afin qu’il s’offre lui-même sur l’autel de la Croix en victime pure et pacifique, pour accomplir les mystères de notre rédemption, et qu’après avoir soumis à son pouvoir toutes les créatures, il remette aux mains de ta souveraine puissance un règne sans limite et sans fin : règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix ».

En accomplissant les mystères de notre rédemption, la Pâque du Fils instaure le « règne sans limite et sans fin » que chante la Préface. C’est le Peuple de Dieu tout entier qui est ainsi configuré au Christ Roi pour faire du monde, la cité de justice et de paix que tout pouvoir est appelé à édifier.

« Il faut qu’Il règne »

Pie XI affirmait en 1925 :

« Si tout pouvoir a été donné au Christ Seigneur dans le ciel et sur la terre ; si les hommes, rachetés par son sang, très précieux, deviennent à un nouveau titre le sujet de son empire ; si enfin cette puissance embrasse la nature humaine tout entière, on doit évidemment conclure qu’aucune de nos facultés ne peut se soustraire à cette souveraineté.

Il faut donc qu’il règne sur nos intelligences : nous devons croire, avec une complète soumission, d’une adhésion ferme et constante, les vérités révélées et les enseignements du Christ.
Il faut qu’il règne sur nos volontés : nous devons observer les lois et les commandements de Dieu.
Il faut qu’il règne sur nos cœurs : nous devons sacrifier nos affections naturelles et aimer Dieu par-dessus toutes choses et nous attacher à lui seul.
Il faut qu’il règne sur nos corps et sur nos membres : nous devons les faire servir d’instruments ou, pour emprunter le langage de l’Apôtre saint Paul, d’armes de justice offertes à Dieu (Rm 6,13) pour entretenir la sainteté intérieure de nos âmes. »

(Lettre encyclique Quas Primas)

Ensemble, prions

En ce jour, adorons le Christ, Roi de l’Univers, venu rendre témoignage à la vérité. Rendons grâce avec toute la Création pour toutes les facettes de son mystère qu’Il nous a laissé découvrir au long de l’année liturgique.
Demandons-Lui pardon de ne pas l’avoir assez mis au centre de nos existences au long de l’année écoulée.
Et donnons-nous à Lui pour que l’année qui s’ouvre nous aide à reconnaître sa puissance et le glorifier sans fin.