La spiritualité de la miséricorde s’appuie en premier lieu sur les sacrements, lieux principaux où nous accueillons la grâce du Roi de miséricorde. Parmi eux, le sacrement de pénitence tient une place toute particulière, dont nous savons mal profiter. Quelques éléments concrets pour mieux le vivre.

Le temps du carême est un temps de joie pour les prêtres qui voient arriver au confessionnal plus de pénitents que d’habitude. Désireux d’accomplir leur unique confession annuelle au moment de Pâques ou bien convaincus après de nombreuses prédications de leurs pasteurs que la confession est un bon effort de carême, les fidèles viennent donc se confesser.

Mais pourquoi limiter au temps du carême cet élan vers le sacrement de la miséricorde ? Pourquoi si peu de chrétiens profitent-ils des grâces offertes dans le sacrement de confession ? Peut-être est-ce le manque de disponibilité des prêtres ? Avouons cependant que ce n’est pas le motif principal et que la confession nous apparait comme un acte difficile, car il demande de l’humilité, et un acte dont nous ne comprenons pas toute la beauté. Notre but n’est pas d’enlever la difficulté qui vient de notre orgueil ; pour cela, il faut en demander humblement la grâce au Saint-Esprit. 

Nous nous proposons de montrer que le sacrement de pénitence nous rebute parce que nous le comprenons mal et que par conséquent nous nous confessons mal.

Le sacrement du pardon

On donne au sacrement de réconciliation plusieurs noms, dont le plus fréquent est celui de la confession. Pourtant, la confession ou aveu des péchés n’est pas le cœur du sacrement, mais la condition. Le cœur du sacrement est la grâce du pardon qui est offerte par Dieu dans l’absolution et cette absolution n’est possible que si le pénitent a la contrition de ses péchés, contrition manifestée par l’aveu.

Nous avons souvent peur de nous confesser en pensant aux commentaires que fera le prêtre sur nos péchés. Pour cette même raison, nous changeons souvent de confesseur. Si nous comprenons bien que l’exhortation du prêtre est très secondaire par rapport au pardon et qu’elle est au service d’une plus grande contrition, cet obstacle tombe.

Un sacrement pour quels péchés ?

Il est ensuite nécessaire de se demander quel est l’effet de la grâce de ce sacrement sur l’âme. Le premier effet est évidemment le pardon des péchés. Même s’il n’est pas interdit de commencer par une action de grâces pour tout ce que Seigneur a fait depuis la précédente confession, il vaut mieux la réserver à la préparation, surtout en cas d’affluence, car ce n’est pas l’objet propre de la confession.

Les péchés qu’il faut absolument confesser sont les péchés mortels que seul le sacrement de confession efface. Il est bon cependant de rappeler qu’il n’est pas nécessaire de préciser en confession s’il s’agit d’un péché mortel. On confesse son péché, avec simplicité, sans l’amoindrir ni le dramatiser, en se rappelant qu’il y a une grande joie au ciel à ce moment (cf. Lc 15, 7). S’il y a un doute parce que l’on n’est pas certain que la matière soit grave ou bien parce qu’il nous semble que le consentement n’était pas total, il est bon de l’accuser quand même, en demandant humblement son avis au confesseur.

Mais qu’en est-il des péchés véniels ? Faut-il les confesser ? Cela n’est pas nécessaire, mais c’est très profitable, comme le rappelle le Catéchisme de l’Église Catholique : « Sans être strictement nécessaire, la confession des fautes quotidiennes (péchés véniels) est néanmoins vivement recommandée par l’Église » (CEC 1458). Elle n’est pas nécessaire car les péchés véniels sont pardonnés par tout acte de contrition sérieusement fait. Le « Confiteor » de la messe, le « Domine non sum dignus » avant la communion suffisent à ce que nos péchés véniels soient effacés.

Mais la confession des fautes vénielles est profitable car le sacrement de confession, en plus du pardon des péchés, offre une grâce spéciale dans le combat spirituel contre nos péchés. Une image peut nous aider : si un mécanisme extérieur, un engrenage par exemple ou un dérailleur de vélo, s’est rouillé en raison de la pluie, il faut d’abord décaper la rouille et ensuite le huiler pour le protéger. Une contrition bien faite décape, tout comme la confession, mais seule la confession huile le mécanisme de notre âme. La confession des péchés véniels n’est donc pas strictement nécessaire au salut mais est un puissant moyen de sanctification.

Confesser les péchés que l’on regrette

Si la confession des péchés véniels n’est pas nécessaire mais profitable, il s’ensuit qu’il est bon de ne pas tous les dire et de se concentrer sur ceux que l’on regrette vraiment et qui nous semblent un nœud particulièrement important dans notre relation d’amitié avec Dieu. Il est fréquent, par exemple, de confesser des péchés de gourmandise. Mais les regrettons-nous vraiment, ou bien les accusons-nous parce que nous les avons vus mentionnés sur la liste d’un examen de conscience ?

La qualité et les fruits d’une confession sont proportionnels non à la quantité de péchés accusés mais à la contrition. Il vaut mieux accuser peu de péchés en ayant le désir profond de les regretter que d’accuser une longue liste dont on ne regrette que la moitié. Comme le dit le saint curé d’Ars, « il est plus important de regretter que de s’examiner ». 

Par conséquent, quand on a confessé ses péchés et que le prêtre a commencé son exhortation, écoutons-le et ne continuons pas à chercher dans notre conscience un péché à rajouter sur la liste ! Même s’il nous revient subitement, il est effacé s’il est véniel, même si nous ne le confessons pas. 

Confesser des péchés, non des tendances

Un autre obstacle aux fruits de la confession est l’aveu de tendances et non d’actes ponctuels. Le fait d’être orgueilleux, colérique, paresseux n’est pas un péché. C’est une tendance ou un trait de caractère qui nous porte à pécher. Saint François de Sales, modèle de patience et de douceur, était de caractère très colérique mais, à la suite d’un grand combat spirituel, il tombait très rarement dans le péché de colère.

Il faut donc confesser des actes et non des tendances et dire « j’ai été paresseux » au lieu de « je suis paresseux ». Pour cela, il peut être bon de commencer chaque aveu par : « Je demande pardon au Seigneur d’avoir… » ou bien : « Je m’accuse d’avoir… », ou encore : « Je confesse avoir… ».

Enfin, le progrès spirituel est un fruit de la confession, mais ne la constitue pas. Certains disent parfois : « Je demande à Dieu d’être moins colérique… ». Même si le prêtre comprend qu’il s’agit là d’une manière de confesser des péchés de colère, cette manière de s’accuser est inexacte, car il ne s’agit pas d’un aveu !

Se mettre dans la lumière de l’Esprit-Saint

Enfin, et c’est peut-être sur ce point que se jouent les fruits de la confession, il faut être précis quand on se confesse. 

Peut-être nous est-il arrivé de trouver que les conseils que le prêtre nous a donnés étaient bien plats et n’aidaient guère à progresser. N’est-ce pas en raison de notre confession ? Je dois avouer mon regret quand j’entends une confession de la sorte : « J’ai manqué de charité, j’ai été paresseux, j’ai menti et j’ai été jaloux ». 

Comment donner un avis pertinent quand l’âme est si peu précise ! On peut se confesser ainsi durant des années en progressant très peu. La raison est double : la première, la moins importante, vient des conseils que donnera le prêtre qui seront plats si l’accusation est plate. La seconde, la plus profonde, vient de l’action du Saint-Esprit dans l’âme. L’Esprit-Saint est un feu purificateur qui efface nos péchés et nous aide à ne plus y tomber. Mais il ne le fait que sur la matière que nous lui présentons. Plus nous lui ouvrons notre cœur avec simplicité par une accusation précise, plus son œuvre de sanctification sera précise.

Plutôt que l’accusation précédente, très vague, dites plutôt : « Je demande pardon d’avoir manqué de charité en fermant mon cœur à une motion de l’Esprit-Saint qui me poussait à donner de l’argent à un pauvre. J’ai été paresseux en préférant aller sur internet plutôt que d’aider mon conjoint qui me l’avait demandé. J’ai menti à un ami pour ne pas avoir à lui rendre un service. J’ai été jaloux de la réussite des enfants de nos amis ». Nous dressons mieux ainsi notre portrait spirituel, ce sur quoi va s’appuyer la grâce de l’Esprit-Saint pour nous purifier et le confesseur pour nous conseiller.

Il faut cependant éviter de tomber dans un autre écueil qui est de raconter sa vie sous couvert de confession ou pire encore, celle des autres. Une confession qui commence par : « Mon Père, il fallait vraiment que je me confesse. Il faut que je vous explique… » a des chances de ne contenir aucun aveu de péché et de ne jamais se terminer !

Notre progrès spirituel dépend en grande partie de l’utilisation des moyens que la miséricorde du Seigneur nous donne pour y arriver et notamment le sacrement de pénitence. Puissions-nous venir y puiser davantage et dans une ouverture de cœur renouvelée.

Abbé Jean-Raphaël Dubrule

Publié dans: https://saintfrancoisdepaule.org/savons-nous-nous-confesser-2/

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